Mme O.R. veut refaire son CV. L’ancien est sur trois pages, c’est sûr que ça ne convient pas. Même s’il est en gros caractères avec de nombreux interlignes, il est bien fourni. Mme O.R. est une pâtissière chevronnée, avec une solide expérience et de nombreuses spécialisations en chocolat, bonbons, gâteaux de mariage ou de Noël…
J’entreprends donc la refonte de ce document et lui demande des précisions.
Et elle se raconte : elle est spécialisée dans les gâteaux exceptionnels qu’elle imagine, ou élabore selon un modèle fourni par le client, et décore. Elle me montre des photos : classique gâteau de mariage à plusieurs étages avec des fleurs en sucre ou naturelles, gâteaux d’anniversaire multicolores en forme d’ours, de smiley, de Bob l’éponge ou représentant une sorcière en pied… Je suis bluffée !
Elle me dit qu’elle adore ça : elle prépare des gâteaux chez elle avec ses enfants, a animé des ateliers pâtisserie chez un boulanger… En partant, elle me désigne un gros oiseau décorant l’accueil, réalisé en papier mâché, et m’explique comment elle le réaliserait en gâteau…
Tout ce qu’elle a fait, c’était au Portugal. En France, elle est confrontée au problème de la langue, me dit-elle. Je trouve pourtant qu’elle maîtrise bien le français, mais ce n’est pas assez pour trouver un emploi intéressant.
Alors elle travaille chez un fabricant de pâtisseries portugaises où, pendant de longues heures, elle forme à la main des fonds de tartelettes. En un mot, elle s’ennuie.
Mais ce n’est pas le pire. Elle pensait qu’il serait plus facile de travailler chez un compatriote. Pas du tout ! Elle est tombée chez un vieux macho qui la harcèle à coups de vannes sexistes et de reproches injustifiés sur ses compétences, qu’il ne connaît pas puisqu’il n’a pas voulu voir son CV, et qu’il met en doute en l’accusant d’avoir photographié des gâteaux fabriqués par d’autres.
Ses collègues, seulement des hommes, profitent de la mauvaise conduite du patron et ne sont pas tendres non plus, ponctuant ouvertement tous ses faits et gestes de commentaires salaces.
Quel gâchis !