M. B. veut renouveler son dossier DALO. Il m’apprend que le précédent a été rejeté et me montre la décision : la demande de logement était trop récente (à peine six mois). Dans ce département, le délai dit « normal » est de trente-six mois.
Je tente d’expliquer ce motif, de montrer que ce nouveau dossier risque d’avoir la même issue, puisque sa demande de logement date d’à peine deux ans et demi, et de lui faire comprendre ce qu’est un recours DALO, c’est-à-dire que ce n’est pas « DALO » qui lui donnera un appartement. Une fois ces précisions apportées, j’étais prête à remplir le formulaire.
Mais M. B. ne veut rien entendre. Sa situation est très difficile : il vit avec son épouse et leurs trois enfants – adultes ou adolescents – dans un deux-pièces et son quatrième enfant, adulte, doit les rejoindre dans les mois qui viennent. Il a absolument besoin d’un autre logement.
Il ne m’écoute pas et le ton commence à monter ; il fait mine de partir, très fâché. Il s’en tient à ce que lui aurait affirmé un élu de la ville : il doit déposer un autre dossier DALO et s’il est refusé, l’élu, lui, lui donnera un appartement.
Je ne sais pas comment j’arrive à faire retomber la tension. M. B. se rassoit. Il finit par me dire que le dossier était déjà rempli par sa fille et qu’il ne restait plus qu’à décrire encore plus la situation en quelques lignes à la fin. Je le fais.
Puis, comme d’habitude, je lui demande s’il a besoin d’autre chose.
Oui : d’un autre logement.
Et il reprend son monologue : il parle de leur situation, des dérives de son fils qu’il « a perdu », de leur malchance, des mauvaises notes de sa fille… tout ça à cause de leurs conditions de logement déplorables.
Je ne dis plus rien, me contente d’acquiescer de temps en temps. Je le raccompagne vers l’ascenseur et il continue sa litanie. À la fin, il me parle d’un rendez-vous à Pôle emploi lié à son problème de logement. Je ne cherche plus à le détromper ni à comprendre, son désespoir est trop fort.