Mlle L. est une belle, grande et fraîche jeune fille. En deuxième année préparatoire dans une école d’ingénieur, elle doit effectuer un stage « ouvrier » dans une grande entreprise, afin de choisir sa spécialisation en mastère.
Elle voudrait postuler dans celle que dirige l’ancien maire et a essayé d’obtenir un rendez-vous avec lui en s’adressant à la mairie où il a toujours ses quartiers. Cela ne semble pas possible mais, ce matin, elle vient d’apprendre que le maire actuel accepte de la recevoir. Il lui demande d’apporter une lettre pour lui, exposant sa demande d’aide, et trois lettres de motivation destinées à deux sociétés de la ville et à son prédécesseur.
Il est 10 h 15, elle doit le rencontrer à 13 heures : c’est la panique !
Certes, elle a préparé une lettre de motivation en appliquant scrupuleusement les conseils de son professeur : suivre le sacro-saint plan « Vous/moi/nous ». Elle a recherché sur Internet des informations sur les entreprises à contacter et a rédigé un paragraphe reprenant les grandes lignes de présentation des activités. Le professeur est ravi ; elle, pas du tout !
D’une part, elle n’aime pas avoir « pompé » les sites, d’autre part, elle a l’impression de faire un exposé et trouve ce paragraphe très artificiel.
Je suis d’accord avec elle, n’en déplaise à tous les conseilleurs en rédaction, persuadés de détenir la recette de LA lettre de motivation idéale et DU CV gagnant. Désolée, mais si ça existait, ça se saurait ! Avec cette idée fausse, tout le monde fournit le même type de documents de présentation et je suis sûre que ça finit par agacer les recruteurs.
Mlle L. acquiesce quand j’affirme que la lettre doit lui ressembler et « montrer ses tripes ». Car si ce qu’elle a écrit ne lui plaît pas, elle n’en sera pas fière, ne mettra aucune flamme pour le défendre et ne convaincra pas.
Ensemble, nous construisons le courrier, pesant soigneusement les mots, reprenant des éléments concernant chaque entreprise, mais les mêlant subtilement à son ressenti à elle et l’expression de ce qu’elle recherche. Je reproduis presque in extenso la partie où elle parle d’elle car elle nous semble convenir : elle a su exprimer de façon enthousiaste qui elle est et ce qu’elle souhaite. Je supprime juste quelques adjectifs, insérés pour faire plaisir à son professeur, mais vraiment redondants.
La première lettre est la plus longue à rédiger, ensuite seuls quelques détails sont à changer.
Au final, elle est satisfaite car elle s’y reconnaît.
« C’est ma mère qui m’a conseillé de venir vous voir. Elle n’est venue qu’une fois mais elle s’en souvient et en a gardé une très bonne impression. Moi, j’avais peur que les lettres ne soient pas personnalisées…
- Au contraire, vous avez vu, nous les avons conçues ensemble. Mon métier, c’est de faire du sur-mesure, quelque chose qui convienne parfaitement à la personne pour qui j’écris. »
Reste le courrier de demande au maire : vite fait bien fait, car il n’est vraiment pas compliqué.
Il est 11 h 15. Nous avons passé un long moment ensemble et je me suis régalée ; il est vraiment intéressant de construire un écrit de cette façon, avec quelqu’un qui sait ce qu’il veut.
« Ça va. J’ai le temps de rentrer chez moi me doucher, enfiler mon tailleur puis courir à la mairie. Je reviendrai mardi avec ma clé USB pour récupérer les fichiers et je vous raconterai comment ça s’est passé. »
Bonne chance, jeune demoiselle, vous la méritez !