Mme E.L. est en congé de maladie depuis plusieurs mois. Elle vient de recevoir un courrier de la CPAM l’informant qu’elle n’avait plus droit au versement d’indemnités journalières au-delà de six mois d’arrêt car elle n’avait pas travaillé suffisamment d’heures durant l’année précédente.
Évidemment, c’est une tuile pour elle et elle n’est pas d’accord. Elle est allée à une permanence de la sécurité sociale où on lui a répondu qu’elle avait la possibilité de déposer un recours amiable.
Elle vient donc me voir pour ça.
« Bon, qu’est-ce que je dis dans le courrier ?
- Que je suis pas d’accord.
- Vous n’êtes pas d’accord avec quoi ? le nombre d’heures que vous avez travaillées ? le calcul est faux ?
- Je sais pas, j’ai pas compté… Mais s’ils m’ont dit de faire un recours, c’est que j’ai le droit et que j’ai travaillé plus ! »
Après avoir essayé de lui expliquer qu’un recours n’a aucune chance d’aboutir, qu’on ne changera pas les règles pour elle, j’écris la lettre qu’elle me demande en insistant sur le fait qu’elle n’aura sinon plus de ressources pour vivre.
Nous y voilà, une fois encore ! Les voies de recours !
S’il est louable et normal que les voies de recours soient indiquées sur les décisions administratives, cette mention est souvent synonyme à la fois d’espoir insensé pour la personne concernée mais aussi d’échappatoire pour les agents administratifs qu’elle interpelle.
« S’il est indiqué que je peux déposer un recours, c’est que j’ai des chances d’obtenir satisfaction. » Voilà ce que pensent les personnes déçues de ne pas se voir attribuer qui la CMU complémentaire, qui l’allocation aux adultes handicapés…, voire une pension de retraite plus élevée…
Je crois que ce qui m’exaspère le plus, c’est le recours après une demande d’aide financière aux services sociaux. Les dossiers sont montés par une assistante sociale ; elle connaît les conditions d’attribution et devrait, me semble-t-il, se douter du refus qui suit. Le dossier part quand même et quand le refus est annoncé, sa réponse est « Déposez un recours… Voyez l’écrivain public. ». Merci madame !
J’ai rarement réussi à dissuader quelqu’un que sa démarche était vaine s‘il ne démontrait pas qu’il y avait une erreur dans les éléments pris en compte ou n’apportait pas d’éléments nouveaux. « Tant pis, j’essaie quand même ! » La personne espère… un miracle ? un changement soudain de la réglementation ? un élan compatissant à son égard ?
Quant au personnel administratif, que ce soit à la sécurité sociale, à la CAF, ou même dans les services sociaux, je suis persuadée que c’est pour lui la meilleure façon de se débarrasser de ces personnes déçues, qui ne veulent ou ne peuvent pas admettre qu’elles ne remplissent pas toutes les conditions requises pour bénéficier de telle ou telle prestation. Pas besoin de se fatiguer, souvent en vain, à expliquer, réexpliquer, convaincre…, on demande un courrier.
Ensuite, c’est à moi de trouver quoi dire dans ce pauvre courrier qui ne servira à rien !