Depuis plus de dix ans que je tiens des permanences en institution, je rencontre toujours les mêmes cas : des personnes, majoritairement d’origine étrangère, ne maîtrisant pas bien le français écrit, parfois ne sachant ni lire ni écrire dans leur langue maternelle.
Par leur situation sociale souvent difficile, elles sont confrontées à de nombreuses tracasseries administratives qui les dépassent complètement.
Et elles n’ont personne dans leur entourage ou dans les administrations qui puisse ou veuille les aider.
Le recours au service d’un écrivain public est leur bouée de secours. Je ne compte plus le nombre de fois où l’usager que je recevais m’a déclaré que je lui sauvais la vie.
Depuis dix ans, pas de changement dans les tâches que j’effectue :
- Des dossiers : demande de logement, de reconnaissance de handicap, de CMUC (couverture médicale universelle complémentaire), d’aide juridictionnelle, de naturalisation…
- Des lettres – beaucoup de lettres, elles représentent la moitié de mon activité : de relance des demandes de logement, de résiliation d’abonnements divers, de contestation et de recours – la plupart sans aucun espoir d’aboutir –, de demande de remise de dette ou de facilités de paiement, de motivation avec le CV assorti…
- Des conseils – parfois hors de mes attributions classiques : j’oriente vers d’autres permanences, ou dans un autre service, ou… chez un médecin…
Je donne mon avis quand on me le demande, sur une situation compliquée que vit l’usager (je pense à une mère, hier, qui, après que je lui eus rédigé le courrier tout simple dont elle avait besoin, juste avant de partir, m’a parlé du harcèlement que subissait sa fille au collège ; je lui ai recommandé de prendre ça très au sérieux et d’alerter le professeur principal et le conseiller principal d’éducation. Je ne crois pas qu’elle y aurait pensé ou aurait osé faire la démarche).
Parfois – rarement –, mon ton monte un peu, en cas de mauvaise foi manifeste ou quand la personne ne m’écoute pas. Il redescend rapidement : j’ai de « la bouteille » et sais que ça ne sert à rien et, après tout, la personne fait ce qu’elle veut ! Tant pis pour ma mission de conseil !
Cette activité me procure environ la moitié de mon chiffre d’affaires. Autant dire qu’elle est essentielle si je veux manger et nourrir ma famille.
Elle m’apporte de grandes satisfactions quant à mon utilité sociale (enfin, surtout celle de ma fonction !).
Mais aussi de la lassitude et de la frustration : les cas traités se suivent et se ressemblent ; j’ai parfois l’impression que rien n’évolue ni ne s’améliore. Serait-il temps que je passe à autre chose ?