M. C. est un grand gaillard qui zézaye d’une drôle de façon. La première fois que je le vois, il veut une lettre de motivation pour travailler à Air France comme bagagiste. « Tu comprends, c’est pratique pour les voyages ! » C’est un peu juste comme motivation ! J’arrive tant bien que mal à développer son intérêt pour la bonne marche du service convoité qu’il a pu constater pendant des périodes d’intérim.
Il n’en est pas à la première candidature dans cette entreprise et me montre la série de réponses types que lui a envoyées le service des ressources humaines.
Au fil des rencontres, il devient plus familier :
« Tu peux pas m’aider à trouver du boulot ?
- Ben non, je connais personne.
- Et sur Internet ?
- J’ai pas Internet ici.
- Alors chez toi ?
- Non non, je fais pas ça.
- C’est mieux sur Internet ?
- Ni mieux ni moins bien...
- C’est pas facile de trouver du boulot !
- C’est vrai...
- Toi t’es bien ici, à la mairie, c’est un bon boulot. »
Je lui explique alors que je ne fais pas partie du personnel communal, que je suis travailleur indépendant et que je dois trouver moi-même mes clients. Je ne suis pas sûre qu’il fasse bien la différence…
Une autre fois, il me demande de lui imprimer la même lettre de motivation en changeant la date : il en récupère ainsi cinq ou six, qu’il va envoyer une par une à un mois d’intervalle. « Comme ça, je viendrai plus t’embêter ! ».
Je lui conseille en riant de ne plus indiquer son nom au dos de l’enveloppe de peur qu’on le reconnaisse et que son courrier aboutisse directement dans la poubelle.
Il sort alors une énième réponse d’Air France :
« Ah, lui dis-je, c’est comme d’habitude !
- Oui, » répond-il avec un grand sourire en brandissant ses courriers tout frais, « et moi aussi, c’est comme d’habitude. »