Mme D. est l’un des derniers locataires d’une grande tour destinée la démolition. Le bailleur s’occupe de les reloger, au mieux de leurs intérêts… ou des siens.
Il y a quelques mois, elle a constitué son dossier en indiquant bien ses préférences : se rapprocher de sa famille et du père de ses enfants dans les Hauts-de-Seine, être située dans un étage peu élevé à cause des risques de pannes d’ascenseur, et habiter dans un quartier plus calme que celui où elle est actuellement, dont l’ambiance s’est dégradée depuis que le bailleur a changé.
Aujourd’hui, elle est écœurée ! On lui a proposé un appartement à Tremblay-en-France, ville tristement célèbre pour de récents faits divers. Pas bornée, elle s’y est rendue pour faire un premier repérage, avant d’aller visiter.
Ce qu’elle y vit l’a bouleversée. À l’entrée du bâtiment, un jeune homme lui demanda ce qu’elle faisait là : première explication. Dans le hall, un autre individu voulut savoir la même chose : nouvelle explication ; puis il décida qu’elle ne pourrait pas prendre l’ascenseur. Elle dut emprunter l’escalier après une nouvelle vérification des raisons de sa présence par une troisième personne. Arrivée à l’étage de son éventuel futur logement, elle découvrit un quatrième homme, installé sur une chaise avec, à ses pieds, un grand sac plein de sachets suspects. Elle fit immédiatement demi-tour.
Dans sa voiture, elle retrouva sa cousine qui l’avait accompagnée et gardait son bébé de quelques mois qu’elle allaita avant de partir. Elle fut alors encore interpellée par un quidam qui lui affirma qu’elle n’avait rien à faire là.
Elle est encore toute retournée en me racontant ça.
Une habitante du quartier lui apprit que tous les inconnus étaient traités de la sorte, mais qu’ensuite, on les laissait peu ou prou tranquilles. Elle lui raconta aussi qu’elle avait quatre fils : les trois premiers étaient en prison, le dernier avait été tué, jeté du haut d’un immeuble, parce qu’il refusait d’entrer dans une bande.
Mme D. a téléphoné au bailleur pour exprimer ses craintes, son interlocutrice lui a répondu « Ça ne m’étonne pas. » sans plus de commentaires.
Ses anciens voisins ont pu être relogés là où ils le souhaitaient, après avoir refusé jusqu’à cinq propositions, dont plusieurs à Tremblay. Elle espère qu’à force de refuser, elle obtiendra gain de cause. Elle veut donc expliquer ses raisons au bailleur et reformuler ses besoins dans le courrier que je lui écris.
Quelques jours plus tard, elle revient pour un nouveau refus : on ne lui a plus proposé Tremblay-en-France mais un logement dans les Yvelines qui fait environ 20 m² de moins que celui qu’elle occupe actuellement, malgré une pièce supplémentaire.
Elle ne semble pas perdre espoir ; elle sait que le bailleur est obligé de la reloger et se dit qu’elle finira bien par avoir quelque chose qui lui conviendra. Elle ne veut pas accepter n’importe quoi dans l’urgence ; elle se sent pourtant bien seule dans sa tour !...