Mme G. arrive, suivie, plusieurs pas derrière, d’une jeune fille d’une quinzaine d’années. Elles s’installent pendant que je mets mes fichiers à jour. Quand je lève le nez de mon clavier, je constate que la jeune fille est assise à l’envers sur son siège et me tourne délibérément le dos.
Eh bé ! ça commence bien ! Je me mets à imaginer que la mère a traîné sa fille pour… un CV par exemple, alors qu’elle ne veut surtout pas travailler…
Madame adresse à sa fille quelques mots dans sa langue sur un ton qui laisse penser à une petite engueulade, et la fille finit par se retourner.
La mère sort une lettre de son avocat, datée de mars, accompagnée d’une convocation devant le juge aux affaires familiales pour une audience prévue le 12 mai en vue d’un divorce (nous sommes début juillet). Je commence à expliquer et remarque que la mère se tourne vers la fille. Je finis par comprendre et lui demande :
« Vous êtes venue pour faire la traduction ? »
Oui, et sûrement pas de son plein gré.
« Madame, vous êtes allée au tribunal en mai ? »
Elle me répond dans sa langue : « Pouvez-vous me traduire s’il vous plaît mademoiselle ? »
La jeune fille grommelle quelques mots d’un ton agressif : il semble que oui.
Je continue à poser des questions, par fille interposée, toujours aussi aimable, et finis par comprendre la demande de la mère : « Je veux savoir si je suis divorcée. »
« Vous n’avez rien reçu de votre avocat depuis ? »
Non, mais je crois entendre la date du 7 juillet, qui est peut-être le 7 juin, mais qui, après d’autres échanges hargneux entre elles, s’avère bien être le 7 juillet. À cette date, l’avocat devrait recevoir un papier… Lequel ? Mystère. Je pense que ce sera le jugement.
« Vous avez revu votre avocat ? »
Traduction : non, car elle ne comprend pas ce qu’il dit.
C’est sûr, c’est une bonne raison !
Je me tourne vers la charmante demoiselle :
« S’il vous plaît, pouvez-vous dire à votre mère qu’avec ce papier, je ne peux pas savoir ce qui a été dit au tribunal, qu’il n’y a qu’une façon de le savoir, c’est de demander à l’avocat ? Il faut donc qu’elle prenne rendez-vous et y aille avec quelqu’un qui traduise. »
Je n’ai pas osé ajouter qu’il valait mieux que ce ne soit pas elle !