Mme C. est accompagnée de ses deux enfants : un garçon de trois ans et demi et une fillette d’environ dix-huit mois. Je remarque très vite que le garçon lui donne du fil à retordre et, surtout, qu’elle s’y prend d’une drôle de façon avec lui. À peine bouge-t-il qu’elle le menace de retourner à la maison ou d’être puni et de ne pas avoir de bonbon plus tard.
Il a aussi tendance à tripoter tout ce qu’il voit, dont mon stylo ou mes câbles d’ordinateur. Et je suis étonnée qu’il continue même quand je lui dis fermement que ce sont mes affaires et qu’il ne doit pas y toucher : en général, j’arrive pourtant à persuader les enfants de cesser.
Pendant ce temps, Mme C. m’explique ce qu’elle veut. Elle est en colère contre le père des petits, son compagnon avec qui elle vit depuis quatre ou cinq ans. Elle avait bien remarqué qu’il ne montrait pas un grand enthousiasme à s’engager avec elle (bien qu’ils aient fait des enfants ensemble, ce qui me semble l’engagement suprême) : il ne voulait pas qu’ils se déclarent en couple à la CAF ou dans sa demande de logement social et ça la chagrinait.
Mais à présent, elle le soupçonne d’avoir profité d’elle pour obtenir un titre de séjour : elle a appris de source sûre qu’il allait se marier « au pays » et qu’il avait refusé un CDI pour être bientôt au chômage.
Elle souhaite donc signaler ses soupçons à la préfecture pour qu’ils soient pris en compte quand la demande de carte de résident sera examinée.
Toujours dans le même temps, le garçon continue ses « bêtises » et Mme C. le met à la porte (il se retrouve dans le hall d’accueil, où des enfants plus âgés attendent pour partir en excursion avec les animateurs du centre social).
Déjà que je me sentais assez mal à l’aise, cette idée me paraît vraiment déplacée. Finalement, je décide de profiter de l’absence du petit – même si la petite est encore là – et me lance :
« Je ne voudrais pas me montrer indiscrète, madame, mais je crois que ce n’est pas bon de parler ainsi devant les enfants de leur père. »
Mme C. ouvre de grands yeux, très étonnée :
« Ils comprennent ?
— Mais, oui, bien sûr. Même les bébés. Ils ne comprennent peut-être pas tous les mots, mais ils sentent bien qu’il se passe quelque chose. Et ça peut aussi expliquer en partie le comportement agité de votre fils. Il ne doit pas être bien.
— Ah bon ?... Vous avez peut-être raison…
— Je suis toujours très gênée de parler comme ça devant les enfants… Et puis, je crois qu’il faut le faire rentrer, maintenant. Il est petit, il ne faut pas le laisser seul trop longtemps. »
Et Mme C. fait rentrer son fils. Et je fais son courrier, que je dois lire en présence des enfants.
Pff…