« Bonjour madame, c’est encore moi. Avec moi, y’a toujours des papiers… »
Je pense qu’il n’est pas le seul dans ce cas, mais ne dis rien, là n’est pas la question.
« Vous savez qu’on m’a enlevé ma voiture ?
- Ah bon ? Elle a été enlevée par la fourrière ?
- Non, c’est hier soir. Je l’avais laissée devant chez moi, vous voyez, là, comme ça, j’avais ma fille avec
moi, et puis une dame en reculant… »
Je ne vois rien et n’écoute déjà plus car je n’y comprends rien, et examine le document qu’il m’a
donné : une facture de remorquage.
« Vous avez fait remorquer votre voiture ?
- Oui, elle est complètement esquintée, ils me l’ont emmenée. » Et il sort un formulaire de
constat amiable.
« Vous avez eu un accident et vous voulez que je vous aide à remplir le constat ? »
Ouiiii !
Chic ! J’adore !...
Je reporte les coordonnées du véhicule, les siennes puis… je suis obligée de l’écouter m’expliquer les
circonstances.
Parfois, je m’épate devant mes trésors de patience que je n’imaginais même pas !
« Vous étiez sur la rue du Général-Leclerc, mais vous alliez dans quel sens ?
- Eh ben, je venais de chez moi quoi !... »
Je sors un plan de la ville :
« Vous circuliez sur la rue du Général-Leclerc et vous alliez vers le centre administratif, ou vous en
veniez ?
- Ben, regardez derrière vous, c’est par là…
- Vous veniez vers ici ou vous veniez d’ici ? »
Il venait vers ici ! Ouf, je l’écris…
Le pompon, c’est quand je dois indiquer par une flèche l’endroit du choc sur un croquis de voiture de
l’imprimé :
« La dame, elle vous a heurté à quel niveau de la voiture ? » (C’est du français très
oral !)
Il se lève, examine le croquis dans tous les sens ; je lui montre où se trouverait la rue…
« Alors, j’allais par là… Et elle était garée sur le bord de la route…
- Elle était garée en épi (je montre par geste) ou comme ça (re-geste) ?
- Ben, comme ça (donc perpendiculairement à la rue).
- OK. Donc vous alliez vers là (geste) et elle est sortie de là comme ça en reculant (geste). Et elle
vous rentrée dedans à quel niveau ? (Toujours ce français approximatif).
- Ben… je l’ai esquintée…
- Attendez, si elle vous est rentrée dedans, c’est elle qui vous a esquinté, pas vous ! (Là, je
sais que je chipote, mais je tiens à éliminer tous les doutes quant à sa responsabilité*.) »
Perturbé par mon interruption, il recommence ses explications toujours aussi embrouillées ; je
l’arrête et remontre le schéma :
« Vous étiez là dans la voiture, votre fille était là. Où avez-vous été touché ?
- Ben là.
- Donc c’est l’aile avant droite. C’est bien ça ? »
Ben oui, quoi, c’est bien ça.
Je trace la flèche… hésite un peu, puis renonce à faire le croquis.
« Il faudra que la dame remplisse sa partie… Vous avez ses coordonnées, n’est-ce pas ?
- Oui, oui. Elle m’a dit de l’appeler quand je serai prêt et on remplira le constat. »
Je lui indique au crayon la case que devrait cocher la dame, si j’ai bien tout compris, et lui recommande
de faire attention à ne pas signer n’importe quoi.
« Merci madame, heureusement que vous êtes là ! »
* Bien sûr, je ne suis pas une experte en assurance. Mais, vous comme moi
connaissons à peu près le Code de la route et somme peu ou prou capables de voir où sont les torts dans les situations simples. Si j'avais eu un doute, j'en aurai parlé à ce monsieur, avec toutes
les précautions d'usage.